Nous vous proposons une série d’articles autour de la genèse d’un projet militaire: le projet StarGate. L’article complet a originellement été publié dans le numéro 100 du magazine Top Secret.
Dans les années 70 en pleine Guerre Froide, les tensions entre les blocs américains et soviétiques commencent à s’apaiser après de nombreuses crises géopolitiques comme celle des missiles cubains. Une période de détente offre au monde un espoir de réconciliation entre ces deux puissances. L’Histoire nous apprendra malheureusement que ce rapprochement sera de courte durée en se finissant après la guerre du Viêtnam en 1975.
Dans ce contexte d’intimidation, l’un des nerfs stratégiques est celui de l’information. Soit proche de tes amis, et encore plus de tes ennemis nous rappelle le proverbe. Nous entrons ainsi dans l’ère de l’espionnage, du contre-espionnage, des agents-doubles et du renseignement. La nation qui aura une longueur d’avance et qui connaîtra les plans de l’autre camp l’emportera.
L’espionnage technologique n’était pas aussi développé qu’aujourd’hui. Nous nous souvenons tous d’un James Bond plaçant un micro large comme un paquet de cigarettes sous un pot de fleurs. Assez peu discret et surtout avec l’inconvénient de devoir retourner sur les lieux pour le récupérer…
La même question se posa des deux côtés de l’Atlantique. Comment obtenir une information à distance et qui plus est, très certainement cachée ou top secrète ? De concert, les deux blocs s’intéressèrent aux travaux sur la télépathie et la parapsychologie pour finalement instaurer les débuts de l’espionnage psychique. Même si certains dirigeants eurent quelques sourires à l’annonce de tels programmes de recherche, les moyens et les budgets engagés furent à la hauteur de l’intérêt stratégique que représentait cette nouvelle forme de renseignement. Aujourd’hui, nous savons que des millions de dollars ont été investis pendant des dizaines d’années sur le sol étatsunien et d’après les rapports établis sur leur voisin soviétique, les russes eurent le même engouement de leur côté.
Grâce à la loi dite Freedom Of Information Act, chaque citoyen américain – voire même du monde – peut consulter les documents déclassifiés des organismes militaires directement sur l’Internet. Après plus de 20 ans classées Top Secret, les archives des projets d’espionnage psychique sont désormais partagées au grand public. Nous vous proposons de découvrir cette formidable aventure au travers du plus célèbre programme d’espionnage américain : le projet Star Gate ainsi que les applications modernes qui sont actuellement utilisées aux États-Unis mais aussi en France.
Les débuts de l’espionnage à distance
Les facultés parapsychologiques ont toujours fasciné l’humanité. Dans les années 1930, Upton Sinclair, un auteur américain, commence à étudier les phénomènes télépathiques avec sa femme. Les premières expériences qu’ils réalisent sont simples. L’un des deux époux dessine un objet ou un animal sur une feuille de papier. La seconde personne tente, à distance depuis une autre maison, de reproduire télépathiquement le croquis. Leurs résultats sont surprenants à de nombreuses reprises. Défiant les statistiques liées à la chance, le couple de chercheurs parvint à s’échanger mentalement plusieurs dizaines de dessins. Upton Sinclair rédigea par la suite le livre Mental Radio pour illustrer ses recherches sur la télépathie. Ses travaux furent appréciés par l’éminent chimiste et parapsychologue français René Warcollier, qui fonda l’Institut Métapsychique International (IMI) qui est toujours en activité à ce jour.
Les travaux de Warcollier étaient dans la continuité de ceux de Sinclair. Il souhaitait uniformiser une théorie et développer des protocoles expérimentaux pour démontrer l’existence du phénomène d’échanges télépathiques. Les conclusions de René Warcollier seront à la base des projets d’espionnages américains.
Dans l’ancien bloc de l’Est, les professeurs Leonid Vassiliev et Edward Naumov observent les mêmes effets et nomment ce principe d’échange d’informations sous le terme de biocommunication. Ils sont rejoints par le parapsychologue tchécoslovaque Milan Rýzl. Leurs travaux portaient principalement sur le contrôle d’individus à distance par suggestion télépathique. Le professeur Naumov dans une expérience célèbre, “pilota à distance” Karl Nikolaiev dans une pièce afin qu’il se déplace en aveugle en évitant une dizaine d’obstacles. Sur les 17 essais qu’il réalisèrent, Naumov réussit à guider télépathiquement son compère 13 fois. Statistiquement, ce résultat revient à un peu plus d’une chance sur 10 milliards (c’est à dire qu’il serait 1000 fois plus simple de gagner au Loto).
Pour les soviétiques, ces résultats démontrent que la biocommunication fonctionne suivant le principe de l’effet papillon, c’est à dire qu’une action très simple réclamant très peu d’énergie doit conduire à une réponse très importante ; à la manière d’une boule de neige qui dévalerait une pente. Afin expérimenter ce principe, Vassiliev voulut que son partenaire, le professeur Kouliabko, se gratte la joue droite. Au lieu de l’influencer pour que son bras se lève, que ses doigts se tendent puis grattent son visage, le parapsychologue envoya télépathiquement à son camarade la sensation que sa barbe le démangeait. Ainsi ce simple ressenti amorça chez Kouliabko une réaction en chaîne qui lui fit lever le bras, tendre ses doigts puis gratter son visage. Forts de ces expériences, les Russes se lancèrent eux aussi dans la course psychique. Très vite, les deux puissances développèrent chacune de leur côté leur propre stratégie de renseignements. Une guerre télépathique était sur le point de démarrer entre l’Est et Ouest.